- GLOBALISATION FINANCIÈRE ET MARCHÉS ÉMERGENTS
- GLOBALISATION FINANCIÈRE ET MARCHÉS ÉMERGENTSFinanceDans les années 1960 et 1970, les mouvements internationaux de capitaux étaient essentiellement assurés par l’intermédiation bancaire et s’orientaient principalement selon un axe Nord-Sud. À partir de 1982, cependant, avec l’éclatement de la crise de la dette souveraine, les mouvements de capitaux se sont largement détournés vers les États-Unis qui devaient financer leur déficit courant. Les financements par émission de titres se sont alors développés au détriment des eurocrédits classiques pour connaître une progression considérable au cours de ces dernières années. À la croissance des besoins de financement externes des États-Unis couplée avec les excédents courants du Japon et, jusqu’en 1991, de l’Allemagne s’est ajoutée la volonté des pays industrialisés d’ouvrir leur système financier. Plus récemment, la dynamique communautaire a joué un grand rôle avec la création du marché unique européen. La fluidité des capitaux a en outre été favorisée à la fois par le jeu combiné des mutations technologiques (essor de l’informatique et des télécommunications) et des innovations financières (nouveaux instruments négociables, développement des techniques de couverture contre les risques des marchés), et par l’institutionnalisation de la gestion de l’épargne domestique (O.P.C.V.M. en France, fonds de pensions et compagnies d’assurances dans les pays anglo-saxons).Pour autant, ce n’est qu’au début de la présente décennie que les pays émergents ont véritablement participé à ce mouvement de globalisation financière. Selon la Banque mondiale, les flux de capitaux en direction des pays situés hors de la zone O.C.D.E. ont crû au rythme de 20 p. 100 l’an de 1990 à 1994 pour atteindre 256 milliards de dollars, tandis que s’affirmait progressivement la prééminence des investisseurs privés non bancaires (investissements directs et de portefeuille). Les flux dirigés vers les marchés boursiers émergents ont été multipliés par quinze depuis 1986 pour représenter environ le tiers de l’ensemble des flux dirigés vers l’ensemble des Bourses de valeurs en 1994 contre 7,9 p. 100 en 1986.Des marchés à fort potentiel de développementLe développement des marchés émergents s’est inscrit dans un mouvement plus général de libéralisation qui a favorisé la multiplication des appels au marché, particulièrement par le biais de privatisations. Ainsi, selon la Fédération internationale de Bourses de valeurs (F.I.B.V.), les marchés émergents accueillaient 42 p. 100 du nombre total d’entreprises cotées à la fin de 1993. Ce phénomène, couplé avec l’arrivée massive d’investissements étrangers, explique l’essor de la capitalisation de ces marchés, qui est passée de 3,7 à 12,6 p. 100 de la capitalisation boursière mondiale entre 1986 et 1993, selon la Banque mondiale.Au-delà des réformes de structure (réduction des restrictions applicables aux participations étrangères, allègement du contrôle des changes, amélioration des procédures de règlement et de compensation, ainsi que de l’environnement juridique et institutionnel, etc.) et des programmes de privatisation, d’autres facteurs ont joué un rôle décisif: le climat de croissance économique, et une stabilité macroéconomique mieux établie dans de nombreux pays du Tiers Monde, en Asie mais aussi en Amérique latine au début des années 1990; les réformes politiques et économiques dans les anciennes économies centralisées, et le renouveau des Bourses en Europe de l’Est (Budapest, Prague, Varsovie, Vilnius...). En outre, l’attrait des marchés émergents a sans doute été renforcé par le climat conjoncturel, et en particulier par la baisse des taux américains au début des années 1990.L’essor des marchés émergents est loin d’être achevé. Leur potentiel de développement est considérable. D’abord, les pays concernés totalisent 85 p. 100 de la population et près du quart du P.I.B. mondial: ils bénéficieront dans les prochaines années de taux de croissance bien supérieurs à ceux des pays industrialisés. Ensuite, en proportion du produit intérieur brut, le niveau de leur capitalisation boursière reste très en deçà de celui des pays industriels: il n’en représente que la moitié. Enfin, ces marchés répondent à un besoin des investisseurs internationaux: la diversification. Leur évolution est en effet peu corrélée avec celle des marchés des pays développés; toutefois, cette caractéristique a eu tendance à s’estomper dans les dernières années, comme l’a montré l’impact de la crise obligataire américaine sur les marchés latino-américains en 1994.La globalisation financière, ses avantages et ses risquesLa globalisation financière présente de nombreux avantages. La libéralisation des mouvements de capitaux a permis à certains pays d’alléger temporairement la contrainte de l’équilibre des échanges extérieurs, de limiter les effets d’éviction (qui découlent de la concurrence inégale faite par l’État aux emprunteurs privés) et de lisser ainsi la demande dans le temps. Les mouvements de capitaux permettent d’échanger l’épargne d’un pays contre des créances sur le revenu à venir d’un autre pays. Ils ne font que refléter les différences de choix nationaux en matière d’épargne. Il semble d’ailleurs que la corrélation entre épargne et investissement au niveau national ait diminué dans les années 1980, en raison du développement des échanges internationaux de capitaux.La libération mondiale des marchés de capitaux devrait aussi assurer une meilleure allocation des ressources, notamment grâce à un élargissement de la gamme des instruments de placement et de financement, à la liquidité accrue des marchés, à la vitesse croissante de transmission des informations et de leur prise en compte dans les prix des actifs, ainsi qu’à la diminution des coûts de financement liée à la concurrence entre établissements financiers et aux progrès de la finance directe. Pour nombre de marchés émergents, les entrées nettes de capitaux ont permis de combler l’insuffisance d’épargne interne et d’assurer le financement des investissements nécessaires au décollage économique, même dans les pays de l’Asie de l’Est dont le taux national d’épargne dépasse fréquemment 30 p. 100 du revenu national.La globalisation financière a enfin permis une diversification accrue des actifs internationaux et a incité à la modernisation des systèmes financiers. Les places financières sont désormais en concurrence, et les États, comme les acteurs des systèmes financiers, se sont attachés à en développer la compétitivité.Pour autant, la globalisation financière n’est pas dépourvue d’inconvénients ni de risques. Elle a tout d’abord engendré un certain nombre de contraintes. En particulier, les autorités publiques ont partiellement perdu la maîtrise des phénomènes financiers. Avec la substituabilité accrue des devises, les différents pays doivent prendre en compte l’évolution de la demande étrangère de leur monnaie nationale pour déterminer leur politique monétaire. Il est aussi très difficile pour un pays de s’écarter du niveau des taux d’intérêt de ses principaux partenaires, sauf à risquer des fluctuations erratiques du taux de change en raison des mouvements de capitaux à court terme. Les marchés d’instruments dérivés permettent une meilleure répartition des risques, les agents les plus sensibles aux évolutions du marché ayant la possibilité de se couvrir. En même temps, ils sont de nature à retarder les effets des politiques monétaires sur la demande interne. Ainsi, l’utilisation des swaps de taux permet aux entreprises qui anticipent un durcissement de la politique monétaire de limiter l’impact de celui-ci sur leur coût de financement.Un autre risque de la globalisation financière réside dans le fait que les mouvements de capitaux obéissent à leur propre logique, qui peut être largement déconnectée de l’économie réelle. Cela résulte d’abord de l’importance des transactions sur les marchés: les opérations de change représentent plus de cinquante fois la valeur du commerce international de biens et de services. Mais cette déconnexion est aussi la conséquence de l’apparition de nouveaux acteurs comme les investisseurs institutionnels, qui peuvent mobiliser des volumes importants de capitaux, ou encore les hedge funds (fonds d’arbitrage à finalité spéculative), qui ont une capacité déstabilisatrice certaine, bien qu’ils n’engagent que des capitaux limités, puisque leur objet est de prendre des risques.Les marchés de produits dérivés sont souvent considérés comme un facteur supplémentaire d’instabilité financière. Les activités de spéculation pure y sont en effet facilitées par les effets de levier. Ainsi, sur les marchés organisés, les contrats à terme d’instruments financiers permettent de prendre des positions spéculatives en n’immobilisant qu’un faible montant de liquidités sous forme de dépôts de garantie. Il en va de même pour les options de change où la prime payée par l’acheteur d’option peut être dans un rapport de 1 à 100 avec le gain espéré. L’existence de tels effets de levier est de nature à augmenter les positions spéculatives et la volatilité du marché. Au surplus, la moitié des transactions sur produits dérivés s’effectue sur les marchés de gré à gré qui ne sont pas réglementés, ou qui le sont peu.Les marchés émergents sont aussi source d’instabilité. Les Bourses qui manquent de liquidités sont en effet affectées par une forte volatilité des cours et vulnérables aux mouvements des capitaux internationaux. À mesure qu’elles se modernisent, elles voient toute information, tout événement nouveau se répercuter plus rapidement et plus fortement dans les cours. L’absence fréquente de placements alternatifs aux actions, sous forme de marchés obligataires larges et liquides, fait également que les mouvements de taux à court terme entraînent assez rapidement des transferts entre dépôts et actions. À cela s’ajoutent, dans certains pays, des facteurs spécifiques de volatilité, par exemple, la modification brusque du prix de matières premières ayant un poids important dans la production nationale. La volatilité des marchés émergents tient aussi aux insuffisances des politiques économiques et des réglementations boursières.Enfin, les flux d’entrées de capitaux peuvent compliquer la conduite de la politique économique. Ils provoquent en effet une pression à la hausse du taux de change réel, qui dégrade la compétitivité, une création monétaire excessive et des hausses parfois brutales des taux d’intérêt réels, qui freinent l’activité. La hausse des taux de change réels est d’ailleurs inhérente aux politiques monétaires restrictives, à la nécessité d’attirer les capitaux extérieurs. Ces mécanismes, qui, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avaient particulièrement touché des pays comme l’Argentine, le Chili et l’Uruguay à la suite de la libéralisation de leur marché financier, ont affecté le Mexique dans la période récente.Comment maîtriser de tels processus? Certains ont préconisé l’instauration d’une taxe destinée à limiter les mouvements spéculatifs. D’autres ont suggéré d’imposer aux intermédiaires financiers un dépôt non rémunéré sur leur position de change ouverte, qui pourrait atteindre 100 p. 100 en période de crise. De telles propositions se heurtent à des objections solides. Comment les mettre en œuvre au niveau de l’ensemble des pays du monde? Ne susciteraient-elles pas de sérieuses distorsions dans l’allocation des ressources d’épargne? Au surplus, la responsabilité de l’instabilité financière n’incombe pas fondamentalement aux marchés, ni aux nouvelles techniques. Ce sont donc plutôt un renforcement de la coopération internationale et une amélioration de la stratégie économique des pays émergents qui pourraient permettre de limiter les inconvénients et les risques de la globalisation financière.Renforcer la coopération internationaleL’effondrement du système de Bretton Woods et la quasi-généralisation du flottement des monnaies ont déstabilisé les taux de change au début des années 1970. La mission de “ferme surveillance” qui a été conférée au F.M.I. par les accords de la Jamaïque en 1976 n’est restée qu’un vœu pieux, pour ce qui est en tout cas des grands pays industrialisés. Dans la seconde moitié des années 1980, les accords du Plaza, du Louvre et de Bercy ont certes constitué un progrès notable. Mais de tels accords trouvent rapidement leurs limites s’ils ne s’inscrivent pas suffisamment dans une perspective durable. Les sommets du groupe des Sept sont certainement utiles à l’information mutuelle des principaux ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales; mais ils ne peuvent pallier l’absence d’un système monétaire international digne de ce nom. On remarque, de façon générale, que les fluctuations de change sont d’autant plus fortes que les marchés ont le sentiment que la coopération internationale stagne, ou s’étiole.La reconstruction d’un véritable système monétaire international est à la fois nécessaire et difficile. Elle est nécessaire car le “non-système” en vigueur depuis 1973 a permis des fluctuations des taux de change déconnectées des réalités économiques fondamentales, ce qui a favorisé l’apparition de distorsions de concurrence propices au développement de pressions protectionnistes. L’instabilité des changes a été également source de coûts et d’incertitude pour les entreprises, les banques et les États. Elle a sans doute aussi faussé les choix d’investissement et poussé à une allocation des ressources contestable à l’échelle mondiale. L’efficience technique des marchés de capitaux, qui est aujourd’hui incontestable, ne doit donc pas être confondue avec leur efficience macroéconomique, qui est loin d’avoir été parfaite.Mais la création d’un nouvel ordre monétaire international est une tâche très difficile. Comme l’a rappelé Robert Solow, le système monétaire et financier est en lui-même une sorte de bien public. Tout le monde a intérêt à sa stabilité et à sa crédibilité, mais nul n’est individuellement incité à éviter les actions susceptibles de le mettre en péril. L’objectif devrait être d’améliorer l’efficacité des modes de coopération, notamment en termes de gamme d’instruments de politique économique, de pertinence des indicateurs macroéconomiques retenus, de discipline minimale à respecter ou encore de partage des responsabilités entre pays. Il est également souhaitable que soit renforcée la capacité d’action des institutions financières internationales, dont la crédibilité est forte et dont les concours ont le mérite d’être stables. On a ainsi pu mesurer récemment l’importance de l’intervention du F.M.I. dans le plan d’urgence mis en œuvre en faveur du Mexique.Il est en outre indispensable que la communauté économique et financière internationale conserve une attitude bienveillante à l’égard des pays endettés. Il faudrait continuer à aménager les conditions de remboursement de leur endettement lorsqu’elles menacent le succès de leurs efforts d’ajustement.Il s’agit aussi pour elle de parvenir à améliorer l’appréciation des risques de crédit par les systèmes financiers. C’est naturellement d’abord aux institutions financières elles-mêmes de se doter de systèmes adaptés de contrôle des risques. Mais la coopération internationale a un rôle important à jouer. Depuis 1974, le comité de Bâle a fait de nombreuses recommandations en matière de surveillance consolidée des opérations bancaires, de surveillance du risque-pays et de partage de responsabilités entre les différentes autorités nationales de contrôle sur l’activité des établissements hors des pays d’origine. Les dispositifs prudentiels constituent aussi des contraintes salutaires dans ce domaine. C’est ainsi que les ratios internationaux de solvabilité permettront progressivement une meilleure maîtrise des risques: en liant l’accroissement de l’activité des banques à celui de leurs fonds propres et en pondérant ces derniers par rapport aux risques pris, ils conduisent à mesurer la rentabilité sur fonds propres de chaque opération et incitent donc les établissements à une plus grande sélectivité. De même, le groupe des Trente conduit des réflexions utiles dans le domaine boursier.Il faut aujourd’hui associer de façon croissante les responsables des marchés émergents aux travaux de coordination internationale. Il est en effet très tentant pour eux de pratiquer une “déréglementation compétitive” de nature à attirer artificiellement les capitaux externes par la diminution des barrières réglementaires.Améliorer les stratégies économiquesLes exigences de l’ajustement ont été bien définies dans les années 1980. Il s’agit pour les pays concernés de promouvoir les politiques de stabilité macroéconomique et les réformes structurelles nécessaires à une croissance saine et durable à moyen terme. De nombreux progrès ont été réalisés depuis lors dans la flexibilité des économies et la recherche d’une plus grande stabilité. Mais il est nécessaire, à la lumière de l’expérience récente, d’introduire trois éléments de réflexion qui n’apparaissaient pas nettement au cours de la décennie précédente.– Il convient d’abord d’éviter un dogmatisme excessif. Il va de soi que des déficits extérieurs massifs, provoquant une croissance de la dette incompatible avec la contrainte de solvabilité, ne sont pas acceptables. Mais il ne faut pas pour autant exiger le retour à l’équilibre externe par une compression excessive du revenu réel.– Ensuite, le poids des mesures d’ajustement doit être équitablement réparti entre les différents groupes sociaux. L’instabilité politique et sociale affecte en effet la capacité d’attirer les capitaux étrangers.– Enfin, la sécurité et la transparence des marchés émergents doivent être renforcées, parallèlement au processus de libéralisation financière. Parmi les tâches prioritaires figurent le développement de la qualité, de la fiabilité et de la diffusion des informations financières, le renforcement des règles déontologiques, l’implantation d’agences de notation et, de façon plus générale, la mise en place et le respect de règles solides de protection des épargnants et des actionnaires. Parallèlement, il convient de réaliser des investissements dans les nouvelles technologies, notamment dans les systèmes d’échange, de compensation, de conservation des titres et de règlement-livraisons, afin de s’adapter aux standards internationaux. Dans tous ces domaines, les marchés émergents peuvent être assistés par la Société financière internationale, filiale spécialisée du groupe de la Banque mondiale.Le processus d’ajustement doit, pour sa part, répondre à quatre exigences:– Il convient en premier lieu de définir avec rationalité la séquence des mesures à promouvoir. Il n’est guère raisonnable d’ouvrir trop tôt et trop massivement les marchés aux capitaux externes, sans avoir préalablement assuré une réelle stabilité macroéconomique. De nombreux pays de l’Asie de l’Est (Corée, Malaisie, Singapour, Taiwan, Thaïlande...) ont su éviter ou limiter la hausse de leur taux de change réel grâce à un régime de change fondé sur un ancrage de fait au dollar américain, qui s’est déprécié depuis 1985, et au maintien, voire parfois au renforcement provisoire du dispositif de contrôle des changes. La création monétaire a été elle aussi contenue par une politique de stérilisation des liquidités excessives: augmentation du taux des réserves obligatoires, opérations d’open-market lorsque la profondeur du marché monétaire est suffisante, swaps de devises, émission de bons par la Banque centrale, etc. Les tensions inflationnistes et les primes de risque ont également pu être limitées par des politiques budgétaires et macroéconomiques rigoureuses. Au total, l’expérience montre que le succès des marchés émergents repose en définitive sur la bonne gestion macroéconomique du processus de libéralisation financière par les pays eux-mêmes.– Deuxième exigence, la cohérence des programmes est essentielle. De ce point de vue, il faut souligner l’importance de la complémentarité entre les réformes financières. La liquidité de nombreux marchés émergents est aujourd’hui insuffisante. À cet égard, la solidité des banques, nécessaire à un bon fonctionnement des marchés de capitaux, et, au-delà, la solidité des investisseurs institutionnels (par exemple, des organismes de gestion collective de l’épargne) sont une priorité essentielle. Cette exigence s’étend à l’ensemble des réformes économiques. Par exemple, l’existence d’un large secteur d’entreprises publiques gérées sans discipline financière suffisante peut fragiliser les banques, engendrer une création monétaire excessive et accroître les déficits publics.– En troisième lieu, le rythme de l’ajustement doit être soigneusement défini. Il est préférable de privilégier une approche graduelle en liaison avec le rythme du développement économique des pays concernés. Par exemple, les privatisations ne peuvent animer un marché de titres en l’absence d’une participation étrangère suffisante et/ou si les entreprises elles-mêmes n’ont pas préalablement été restructurées et dotées d’un environnement concurrentiel stimulant. Il est aussi inutile de prétendre créer des marchés dérivés dans des pays où la taille critique des sous-jacents n’a pas été atteinte.– Enfin, la constance doit être considérée comme une quatrième préoccupation majeure, car les pays sont en permanence soumis aux jugements facilement réversibles des marchés. Dans un environnement incertain, la constance affichée des politiques de stabilité constitue un élément décisif de crédibilité, laquelle s’acquiert dans la durée. Cela vaut notamment pour les pays qui ont un passé de forte inflation et de remèdes inefficaces. La crise mexicaine a montré qu’une croissance excessive des déficits extérieurs et de l’endettement pouvait provoquer des retraits massifs de capitaux, à la suite d’un retournement des anticipations des investisseurs.Si ces conditions sont remplies, les pays émergents parviendront à couvrir leurs besoins de financement externes par une épargne privée stable, et en particulier par des investissements directs qui présentent l’avantage supplémentaire de ne pas générer d’endettement. Dans la période récente, ces investissements directs ont eu tendance à se concentrer en Asie, alors que les pays d’Amérique latine ont reçu massivement des capitaux plus volatils, en particulier des investissements de portefeuilles en actions, en obligations et en titres publics à court terme, ou des dépôts rémunérés. Pour reprendre l’exemple du Mexique, on a vu les achats d’actions par des non-résidents passer de 10,7 milliards de dollars en 1993 à 600 millions en 1994, le solde net pour le seul mois de décembre de cette année-là devenant négatif de 2,5 milliards de dollars.Ces orientations essentielles valent pour l’ensemble des marchés émergents. On a d’ailleurs remarqué que, lorsqu’une correction sévère touchait un pays important, la suspicion affectait l’ensemble des Bourses des pays émergents, même celles dont le développement était incontestablement sain.La globalisation financière peut être une grande chance pour les pays émergents. Mais à une double condition: que la coopération internationale réussisse à créer un nouvel ordre monétaire international, assurant une certaine stabilité des changes, et, non moins impérativement, que chacun des pays concernés s’engage dans une politique de développement assez maîtrisée pour susciter la confiance des investisseurs. Les institutions internationales peuvent les y aider. Mais le succès dépend avant tout de la capacité de mobilisation, de continuité dans l’effort à l’échelle nationale.
Encyclopédie Universelle. 2012.